Exposition Jean-Claude LIEHN

"Influences croisées" 

du  17 Juin au 22 Juillet 2017                        Vernissage le 16 Juin à partir de 18 heures 

Jean-Claude Liehn photographie depuis quinze ans l’architecture vernaculaire avec une démarche profondément égalitariste. Chaque demeure, chaque bâtiment mérite à ses yeux un regard attentif et parfois l’hommage que constitue l’acte photographique. Il aime rattacher cette approche à ce que nous ont enseigné quelques maîtres de la photographie, en particulier les Becher, Stephen Shore et Raymond Depardon. Il fait découvrir dans cette exposition trois de ses sujets favoris, ce qu’il appelle : ‘les cathédrales agricoles’, ‘les carrefours américains’ et ‘ces objets appelés maisons’.

 

Influences croisées

J’aime expliciter les influences photographiques qui m’ont façonné, non pour les suivre jusqu’à l’imitation ou le pastiche, mais au contraire les laisser fructifier par leur croisement.

On ne peut plus photographier les bâtiments industriels sans penser aux allemands Bernd et Hilla Becher, les villes américaines à l’américain Stephen Shore, les maisons françaises à Raymond Depardon.

Les allemands nous ont enseigné le charme de la rigueur, l’américain l’élégance de la couleur, le français une approche égalitariste de l’architecture vernaculaire.

Le croisement de leurs influences et la bienveillance de leur regard sont pour moi plus qu’une esthétique, c’est une éthique

 

 

Cathédrales agricoles

De 1959 à 2007, les allemands Bernd et Hilla Becher ont sillonné l’Europe, puis le monde, pour photographier avec rigueur les silos et autres bâtiments industriels. Ils les appelaient des Sculptures anonymes, témoignant par- là de leur beauté quasi involontaire.

Leur haute silhouette dominait les étendues plates de ma Champagne natale, comme les cathédrales, les cités de la région. En venant prendre place à leur pied pour en saisir l’image, j’ai été de plus en plus

séduit par leurs gigantesques tours de bêton ou d’acier, souvent marquées par les séquelles du temps.

Bien entendu, cet hommage à leur beauté n’est pas un éloge du mode de production agricole qu’ils symbolisent. La foi n’est pas requise pour aimer les cathédrales.

Les Becher photographiaient en noir et blanc, mais leurs élèves de l’école Düsseldorf, souvent fameux (Andreas Gursky, Thomas Ruff, Thomas Struth…), ont utilisé la couleur (sous l’influence de l’américain Stephen Shore) et le tirage en grand format. C’est aussi en pensant à eux que j’ai réalisé ces clichés.

 

Carrefours américains

De 1973 à 1981, l’américain Stephen Shore a parcouru l’Amérique pour en photographier les petites villes avec application. Il en résulta un ouvrage célèbre, Uncommon Places.

Stephen Shore se plaçait explicitement dans la lignée du fondateur du Style Documentaire, Walker Evans, dont on lui avait offert un ouvrage à l’âge de dix ans. Par rapport à ce père spirituel, Shore apporta la couleur dont il fit usage avec grande élégance. On peut dire qu’il fonda l’un des deux paradigmes (l’autre étant The Americans de Robert Frank) pour ceux qui veulent photographier les USA.

Pour les amateurs de paysages urbains, les villes américaines et leurs immenses espaces sont un sujet extraordinaire. Je les ai parcourues avec les images de Stephen Shore en tête. Mais Bernd et Hilla Becher, m’avaient appris le charme du dépouillement des scènes photographiées, pour mettre en valeur l’essentiel de leur structure. Le souvenir de leur travail m’a aussi accompagné là-bas.

Stephen Shore au sujet de Uncommon Places :

Le résultat aurait peut-être été plus cohérent si … j’en avais simplement fait un livre sur des lieux, voire des carrefours.

 

Ces objets appelés maisons

De 2004 à 2010, le français Raymond Depardon a sillonné la France dans sa camionnette pour en photographier les petites villes. La France des sous- préfectures qu’il connut dans son enfance, nous dit-il. En sont nées une exposition et la publication d’un gros ouvrage La France de Raymond Depardon.

Je me suis tout de suite senti une parenté avec ce travail. J’y avais seulement ajouté une certaine sophistication formelle héritée des Becher.

Le regard de Raymond Depardon sur l’architecture de nos cités est foncièrement égalitaire. Pauvre ou riche, ancienne ou moderne, jolie ou quelconque, toute demeure mérite à ses yeux (et aux miens) cette forme d’hommage que constitue l’acte photographique.

On peut s’étonner ou même condamner cette suspension du jugement esthétique ou politique que constitue cette complaisance à l’égard de sujets hautement significatifs des structures sociales sous-jacentes. Mais on peut un instant s’autoriser cette mise entre parenthèses, pour considérer ces maisons comme de simples objets, et porter sur elles ce regard bienveillant et parfois émerveillé, que nous ont appris les Becher, Stephen Shore et Raymond Depardon.