EXPOSITION Melissa TRESSE - Joan PRIEGO GARCIA

 

" Le réel imaginaire "
Du 10 novembre au 17 décembre 2016
Vernissage le jeudi 10 novembre à partir de 18 h

 

 

Mélissa TRESSE
Née en 1985 à Grasse, de parents artistes, Mélissa découvrira le dessin et la peinture très jeune.
Aprés avoir passé une licence d’Arts Plastiques à Toulouse, un besoin d’apprendre de nouvelles techniques se fait sentir.
Une période de voyages commence, stage de 4 mois au sein de l’Atelier Antonin Artaud à Tenerife pour apprendre la gravure, puis le soufflage de verre à la Marsa en Tunisie, et enfin au Mali où elle apprendra à teindre des tissus “bogolan” selon la tradition au Centre Contemporain de Kasobané.
En 2007 elle décide de s’inscrire à L’Ecole Supèrieure des Beaux-Arts de Nîmes, où elle aura la chance d’obtenir une résidence de deux mois dans l’Ecole de Luxun en Chine; jusqu’au DNSEP en 2010.
Continue à travailler la peinture, le dessin et la gravure dans son atelier de Lanoux en Ariège.

 

Pratiquant la peinture depuis plusieurs années je poursuis aujourd'hui une recherche parallèle en gravure, une technique riche qui se renouvelle sans cesse.
L'estampe me permet de développer le caractère graphique et narratif de mon travail, de construire un monde fourmillant et minutieux qui émerge sur le papier, laissant la trace d'une bribe d'histoire étrange et drôle à la fois.
Ma recherche graphique se base sur les rapports formels et surtout sensibles qui s'établissent entre l'humain et l'animal. Je suis fascinée par l'incroyable mixité du vivant et le potentiel de formes qu'elle recèle. En dessinant, je tente de suggérer plutôt que définir avec précision la nature étrange des corps représentés, tout en gardant une grande spontanéité dans l'écriture graphique. Le mythe et la fable sont pour moi comme un langage vivant qui me sert à interroger le présent.

 

Contes clairs obscurs
Le monde curieux que Melissa Tresse fait naître sous son pinceau ou ses stylets de graveur, évolue dans un territoire qui s’étend entre le songe étrange, le conte poétique et la fable drolatique. Dans cet espace ambivalent la jeune artiste fait vivre ensemble humains et animaux, au pied d’antiques troncs d’arbres, à la pénombre des sous-bois, dans la fraîcheur d’une nuit d’avant l’aube, ou tout au contraire dans une sur-lumière propice aux apparitions de toutes sortes. Bêtes et humains vivent dans une complète proximité, si proche que l’on finit par ne plus pouvoir déterminer avec certitude à quel genre ils appartiennent, comme ces oiseaux se débattant et débattant d’un sujet qu’on ignore, ces cochons marchant sur des échasses, ou cette grenouille gobeuse d’homme…
Et jouant de cette réalité affabulée, Melissa crée des toiles surprenantes et de grandes gravures inattendues, qui en révèlent bien plus long qu’il n’est dit, sur la nature humaine…

 

Denis Puech, Juin 2014

 

Joan PRIEGO GARCIA
Depuis Nietzche et Freud le Sujet n’est pas une entité stable comme il l’était pour Kant ou Hegel, mais un tout formé d’une multitude de masques. Ainsi notre subjectivité contemporaine se présente à nous fragmentée.
Cette réflexion sur l’identité se transforme en clé dans l’œuvre de Priego. Ses sculptures réalisées à partir de morceaux de bois recyclés, sont une métaphore qui nous apprend (démontre) comment nous construisons notre identité individuelle, à la fois fragmentée et multiple.
Alors que le concept contemporain du Sujet s’est créé à partir des ruines du projet de modernité, Priego, aussi, utilise pour réaliser ses sculptures du bois recyclé provenant de ruines de la démolition de vieux édifices (bâtiments anciens).
Ce qui avant était une poutre, qui orgueilleusement supportait le poids d’un édifice, devient dans son œuvre un morceau de bois qui aide à la construction d’une Identité fragmentée (partielle).
Joan Priego nous invite, à travers l’ironie, à nous représenter certains aspects fondamentaux de la construction de notre Moi contemporain : nos relations aux autres, nos relations à la demande de changement constant que nous exige le marché du travail actuel, ou notre Moi culturel.

 


Le sculpteur Joan Priego, analyste de la condition humaine dans l’ère du désenchantement, reprend la tradition philosophique qui va des maîtres du doute jusqu’aux réflexions de Virno sur de nouvelles stratégies de résistance. Concrètement sa série de contorsionnistes s’inspire de ce que Virno appelle « virtuosité » du travailleur postfordiste : dans une économie basée sur l’échange d’information, on demande au travailleur qu’il sache improviser, communiquer, interagir. Priego réinterprète avec humour, mais aussi, avec une profonde vision anthropologique ces dons de contorsionniste que nous sommes obligés d’acquérir dans la vie laborieuse et personnelle. Les contorsionnistes siamois font allusion à la continuelle construction et déconstruction de l’identité par un jeu de reflets et dédoublement de l’autre. Le virtuose a besoin de l’autre pour se compléter, jusqu’au point où il est difficile de séparer le moi de cet alter égo dont il fait partie.
L’entendement entre les différentes intensités qui habitent l’être n’est pas toujours harmonieux. « Les lutteurs du Siam », secoués par de violentes cambrures et qui prennent le nom de ces poissons capables de tuer la femelle dans l’acte d’accouplement, nous suggèrent des combats irrésolubles entre la nature et la socialisation, mais aussi entre l’instinct de conservation et la pulsion de mort.
En continuant avec les métaphores corporelles, certains sujets sculptés par Priego sacrifient une partie de leur anatomie pour répondre à cette demande de versatilité. D’autres deviennent des objets fétiches ou des boucs émissaires s’offrant comme des poupées érotiques (I dind’t mean to see her go), des martyres (Saint Sébastien) ou des esclaves canins (The illusion of the mass).

La cohérence intellectuelle et formelle de l’œuvre de Priego influe sur son procédé technique : il sculpte ses figures à partir de fragments recyclés, en utilisant même des morceaux de bois provenant de démolitions, pour matérialiser cette incursion dans la condition fragmentaire et instable de l’homme contemporain.
Anna Adell